En quoi la conception joue-t-elle un rôle important dans la prévention des incendies de bâtiments
Le magazine D’A a organisé une table ronde sur le thème de la protection du feu en façade, plus précisément sur le rôle joué par la conception dans la prévention de ce risque. Plusieurs spécialistes du sujet dont Olivier Douard, responsable de l’inspection souscription en dommages aux biens SMABTP, répondaient aux questions du journaliste Olivier Namias.
Le magazine D’A a organisé une table ronde sur le thème de la protection du feu en façade, plus précisément sur le rôle joué par la conception dans la prévention de ce risque. Plusieurs spécialistes du sujet dont Olivier Douard, responsable de l’inspection souscription en dommages aux biens SMABTP, répondaient aux questions du journaliste Olivier Namias.

Sur les 300 000 incendies comptabilisés en France sur l’année 2019, 86 000 touchent des bâtiments dont 80 % des bâtiments d’habitation. Aux dommages matériels très importants engendrés par les incendies, s’ajoutent malheureusement de nombreuses victimes.
Au total, chaque année, ce sont environ 10 000 personnes qui sont impactées par de tels sinistres. En 2019, on déplorait 261 décès causés par un incendie de bâtiment. Néanmoins, malgré ces chiffres élevés, la sécurité incendie n’a cessé de s’améliorer grâce à des moyens de lutte toujours plus étendus et efficaces, notamment en matière de conception architecturale et urbaine.
Ces dernières années, on a assisté à une évolution du cadre réglementaire et, parallèlement, à une mutation du monde de la construction (nouveaux dispositifs d’isolation, nouveaux produits biosourcés). Toutes ces nouveautés nécessitent de nouvelles règles de mise en œuvre.
Deux arrêtés du 7 août 2019 sont venus renforcer la sécurité incendie en tenant compte justement des évolutions techniques et des attentes nouvelles en matière environnementale.
Cette table ronde a permis aux différents intervenants d’échanger sur de nombreux sujets comme l’apport des nouvelles réglementations dans la protection contre l’incendie, le rôle de la conception dans cette prévention, ou encore la manière de conjuguer sécurité incendie et évolutions réglementaires et sociétales réintroduisant des matériaux combustibles tels que le bois ou préconisant des systèmes d’ITE.
Tout d’abord, la prévention en matière d’incendie est essentielle, notamment la protection passive car elle demeure le principal moyen de lutter efficacement contre ce risque. Il s’agit des mesures constructives qui permettent à un ouvrage ou une partie d’ouvrage de résister à un incendie pendant un temps prédéterminé fixé par la réglementation en matière de construction.
Tous les intervenants s’accordent à dire que la sécurité incendie se joue à tous les moments de la vie d’un bâtiment. La conception est cruciale puisque c’est à cette étape qu’est défini le niveau de sécurité incendie. La réglementation en vigueur, le choix des matériaux, l’implantation du bâtiment par rapport aux constructions avoisinantes, sont définis lors de la conception d’un projet.
Les réponses pour une meilleure protection du feu en façade sont multiples.
Depuis 2019, une nouvelle approche réglementaire permet de réaliser une « application de laboratoire » (APL), à partir d’un essai au feu de la façade appelé « essai LEPIR 2 » pour les IMH (immeubles de moyenne hauteur compris entre 28 et 50 mètres), améliorant ainsi la sécurité incendie de cette catégorie d’immeubles d’habitation.
Outre les essais dits « grandeur » et la réalisation de guides, de nombreux points de vigilance sont à prendre en compte :
- la nature des matériaux mis en œuvre ;
- le phénomène de feu couvant en présence de matériaux biosourcés (le feu prend, il est ensuite éteint mais finit par reprendre plusieurs heures après, voire le lendemain) ;
- la nécessité d’évaluer la durabilité de la performance pour tous les matériaux qui ne sont pas incombustibles à la base, notamment pour les matériaux en bois ignifugés ;
- l’attention portée à la protection de l’enveloppe du bâtiment (l’extérieur), plus complexe que l’intérieur du bâtiment. En effet, en façade, la propagation d’un feu est verticale, il n’existe pas de compartimentage comme il y en a pour l’intérieur ;
- la nécessaire collaboration des architectes/concepteurs avec les industriels, les laboratoires et la participation des premiers à l’élaboration des différentes réglementations.
- Tous ces échanges ont permis de montrer que le paradoxe, né de la demande croissante de réduction des empreintes carbone des bâtiments, et consistant à mettre en œuvre une sécurité passive tout en utilisant des matériaux combustibles comme les matériaux biosourcés ou le polystyrène, n’est qu’apparent si les points de vigilance et la réglementation sont bien pris en compte. Ainsi, contrairement aux idées reçues, une grande liberté est laissée aux acteurs pour innover, mais la contrepartie est, bien entendu, la démonstration de l’atteinte du bon niveau de fiabilité et de sécurité.
Autrement dit il est possible de concilier sécurité incendie et création architecturale.
Intervenants :
- Jean-Baptiste Aurel – Fondateur Woodenha, Membre de la Société des Experts Bois
- Eric Dibling – Directeur BET Ingeneco
- Olivier Douard – responsable de l’inspection souscription en dommages aux biens, SMABTP
- Jean Kalt – Architecte, Agence Philippon-Kalt
- Bruce Le Madec – Fire Safety Project Manager Rockwool
Jean-Philippe Ndbo-Epoy – Directeur technique France STO