Intégration des troubles anormaux de voisinage dans le Code civil
La loi du 15 avril 2024 a intégré dans le Code civil la responsabilité de plein droit pour troubles anormaux de voisinage, consacrée par la jurisprudence.
La loi du 15 avril 2024 a intégré dans le Code civil la responsabilité de plein droit pour troubles anormaux de voisinage, consacrée par la jurisprudence.

La loi du 15 avril 2024 vient créer dans le Code civil un nouvel article 1253 qui reprend le principe de responsabilité sans faute, fondé sur les troubles anormaux du voisinage, consacré par la jurisprudence de la Cour de cassation.
Dans un arrêt du 19 novembre 1986, elle avait posé un principe autonome général du droit selon lequel "nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage". Le trouble de voisinage entraîne la responsabilité de plein droit de son auteur, à condition qu'il excède les inconvénients ordinaires du voisinage.
Ainsi ont pu être qualifiés de troubles anormaux de voisinage :
- le bruit (activité industrielle, sonorisation commerciale, tapage nocturne, livraisons, pratique de la musique, climatisation…) ;
- les odeurs (odeurs de cuisine d’un restaurant, élevage, boulangerie, barbecue lorsqu’il est trop proche du voisin…) ;
- les fumées et poussières (pizzéria, poussières métalliques, centrale à béton…) ;
- les vibrations (machines à coudre, chambres frigorifiques…) ;
- la privation ou l'altération d'ensoleillement ou d’une vue qui sont appréciées différemment en fonction des zones plus ou moins urbanisées ;
- un trouble commercial.
La Cour de cassation avait également étendu sa jurisprudence sur la notion de voisin en permettant ainsi d’engager la responsabilité des constructeurs du fait des nuisances occasionnées par un chantier de construction. Les entreprises étaient considérées comme des « voisins occasionnels » des personnes lésées.
Dans le cadre de la loi du 15 avril 2024, la volonté du législateur a été de limiter la responsabilité aux personnes suivantes :
- le propriétaire ;
- le locataire ;
- l’occupant sans titre ;
- l’occupant ou l’exploitant d’un fonds avec titre ;
- le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs.
Il restera cependant toujours possible pour le maître d’ouvrage ou un tiers d’engager la responsabilité pour faute de l’entreprise à l’occasion de son intervention sur le chantier et il conviendra de rester attentif à une éventuelle clause contractuelle transférant le risque au constructeur.
L’objectif de cette transposition dans le Code civil est surtout de limiter les conflits de voisinage, notamment en milieu rural, qui n’ont cessé de croître (chant du coq, tintement des cloches etc.).
Le législateur a repris l’exception qui figurait déjà dans l’article L113-8 du Code de la construction et de l’habitation, à savoir que la responsabilité ne sera pas engagée si l'activité qui génère les nuisances répond à trois conditions cumulatives :
- elle est antérieure à l'installation de la personne lésée ;
- elle respecte la législation ;
- et elle se poursuit dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine de l’aggravation du trouble anormal de voisinage.
Pour les activités agricoles uniquement, il ne sera pas non plus possible d’engager la responsabilité de l’exploitant si le trouble anormal résulte de la nécessité d’une mise en conformité de son installation aux lois et aux règlements ou si les activités n’ont pas fait l’objet d’une modification substantielle de leur nature ou intensité.